mardi 27 mai 2008

La commedia des ratés, Tonino Benacquista

Une découverte heureuse. Je ne lis que rarement des romans policier et celui là vaux le détour !

L’intrigue :

C’est une arnaque montée de toutes pièces mais qui ne se déroule pas tout à fait comme prévu. Dario, fils d'un immigrant italien, revoit un ancien ami d'école, Antonio. Ce dernier lui demande de l'aider à écrire une étrange lettre d'amour.
Quelques jours plus tard, Dario est assassiné et Antonio hérite d'un vignoble que Dario venait d'acheter sur leur terre natale.
Voici le point de départ d’une "commedia" ou d’un policier bien orchestrée.

La jaquette :

Car tout était déjà en moi, enfoui. Quelque chose entre la tragédie grecque et la comédie à l'italienne. Une farce bouffonne au goût amer, un drame dont on se retient de rire. Ni une complainte, ni une leçon, ni une morale. Juste une ode à la déroute, un poème chantant la toute-puissance de l'absurdité face au bon sens... »

Extraits:

Elles forment un univers en soi, à l'état brut, dont même le plus fin gourmet ne soupçonne pas toutes les métamorphoses. Un curieux amalgame de neutralité et de sophistication. Toute une géométrie de courbes et de droites, de plein et de vide qui varient à l'infini. C'est le royaume suprême de la forme. C'est de la forme que naîtra le goût. (...) L'arrondi a un goût, le long et le court ont un goût, le lisse et les stries aussi. Il y a forcément quelque chose de passionnel là-dedans. (...)C'est parce que la vie elle-même est si diverse et si compliquée qu'il y a autant de formes de pâtes. Chacune d'elles renvoie à un concept. Chacune va raconter une histoire. (...) Regardez comment est fait un plat de lasagnes, vous n'y verrez que la couche apparente, le gratin qu'on veut bien vous montrer. Mais notre individu veut voir les strates inférieures, parce qu'il est sûr qu'on lui cache des choses profondément enfouies. Pour s'apercevoir peut-être qu'il n'y a rien de plus qu'en surface. Mais d'abord il va chercher, se perdre, et traverser un long tunnel obscur sans savoir s'il y a quelque chose au bout. »

Cette description concerne la différence entre les rigatonis et la carbonara !

"-Penne all’arrabbiata ? Oui ! j’ai répondu, affamé. Les penne sont des macaronis courts et taillés en biseau. Avec une sauce piquante « à l’enragée », parce qu’exécutée à toute vitesse et relevée au piment. -Quand ma mère fait une sauce, ça prend bien trois heures, dis-je. -Normal. La vraie sauce tomate, c’est moins de dix minutes, ou alors plus de deux heures, parce qu’entre les deux on a toute l’acidité de la tomate qui apparaît. Demain je ferai des cannelloni, si vous voulez, Antonio… Elle rougit un peu d’avoir dit ça, et moi je ne sais plus où me mettre. Sur la table il y a une énorme bassine de lupins qui gonflent. J’en goûte quelques-uns. -Vous allumez la télé, s’il vous plaît, Antonio ? (…) A cette heure-ci il n’y a rien de bien mais ça m’aide à faire la cuisine.(..) Tenez, je vais vous apprendre à faire une sauce all’arrabbiata. Il est 19h45. Mettez la RAI. Un jingle qui annonce une série de publicités. -Mettez votre eau à bouillir, et au même moment, faites revenir une gousse d’ail entière dans une poêle bien chaude sur le feu d’à côté, jusqu’à la fin des pubs. L’odeur de l’ail arrive jusqu’à moi. Les pubs se terminent. Elle me demande de zapper sur la Cinq où un gars devant une carte de l’Italie nous prévoit 35° pour demain. -Dès qu’il commence la météo vous pouvez enlever la gousse de l’huile. On en a plus besoin, l’huile a pris tout le goût. Jetez vos tomates pelées dans la poêle. Quand il a terminé la météo, l’eau bout, vous y jetez les penne. Mettez la quatre. Un présentateur de jeux, du public, des hôtesses, des dés géants, des chiffres qui s’allument, des candidats excités. -Quand ils donnent le résultat du tirage au sort, vous pouvez tourner un peu la sauce et rajouter une petite boîte de concentré de tomates, juste pour donner un peu de couleur, deux petits piments, pas plus, laissez le feu bien fort, évitez de couvrir, ça va gicler partout mais on dit qu’une sauce all’arrabbiata est réussie quand la cuisine est constellée de rouge. Passez sur la deux. Un feuilleton brésilien tourné en vidéo, deux amants compassés qui s’engueulent dans un living. -A la fin de l’épisode ce sera le journal télévisé, et on pourra passer à table. La sauce et les pâtes seront prêtes exactement en même temps. Quinze minutes. Vous avez retenu ? (…) -Pas mal votre recette, mais je n’ai pas la télé. -Alors, mangez des pois chiches. Les pâtes brûlantes sont arrivées dans mon assiette. Un délice qui enflamme le palais. Je me suis toujours méfié des filles qui savaient faire la cuisine."

Non, non je vous assure, ce n’est pas un livre de cuisine italienne ! C’est un excellent policier avec justement pas un seul policier à l’horizon.

Citations de l'auteur :

- "Si le monde appartenait à ceux qui se lèvent tôt, il appartenait avant tout à ceux qui osent."
- «Plus on marche sur la tête des faibles, plus on est enclin à lécher les bottes des forts.»
- "Méfie-toi de ceux qui confondent l’éclairage et la lumière."
- "La première impression est plus fiable que la deuxième, pour une raison précise : elle est le fruit d’une bien plus longue expérience."

De la dérision, du rire, des larmes, des histoires dans l’histoire, des personnages hauts en couleur et attachants, des rebondissements, une réflexion sur l’impunité, la culpabilité... Si tous les romans policiers sont de cet acabit, je vais devoir m’y plonger plus souvent !

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