jeudi 21 août 2008

Derniers fragments d’un long voyage : Christiane Singer


Un journal de 6 mois, écrit avec générosité, pour exprimer avec force sa joie de vivre et son amour !
Christiane Singer accepte la mort pour en faire le visage même de la vie.
Elle raconte son quotidien, le désarroi, la joie et le bonheur d'être pleinement vivante.
Son corps souffre puis s'apaise.
Son être se nourrit de l'amour des siens ,
de sa capacité à magnifier la vie à en recueillir la sève dans l'instant le plus infime,
des visites,
des descentes dans l'abîme et des montées vers la lumière,
des prières,
de toute cette humanité humble et douloureuse qui fait le quotidien de la maladie.
Elle rayonne d’une force qui illumine ceux qui l’approchent.
Elle partage ses pensées, ses rencontres, ses anecdotes.
Peu de mots concernant les souffrances que lui inflige la maladie, mais une écriture tournée résolument vers la vie.

Citation :

«Ne jamais oublier d'aimer exagérément : c'est la seule bonne mesure.»
«L'amour n'est pas un sentiment. C'est la substance même de la création.»
« Les Vivants n'ont pas d'âge. Seuls les morts-vivants comptent les années et s'interrogent fébrilement sur les dates de naissance des voisins. Quant à ceux qui voient dans la maladie un échec ou une catastrophe, ils n'ont pas encore commencé de vivre. Car la vie commence au lieu où se délitent les catégories.»

«Il n'est que l'expérience menée à terme qui libère.»
«L'éducation n'est qu'un tissage de regards.»
« N'appelles pas Dieu à voix haute, sa source est en toi et si tu n'obstrues pas le passage rien n'en suspend la coulée »
«D'ici je vois plus loin dans la vie et dans la mort que je n'ai jamais été en mesure de le faire. La vue est imprenable et donne le vertige. Ainsi en apprenant tout à l'heure que Titi, une amie de Dorian, avait donné le jour à Johannes, j'ai pleuré comme on pleure peut être pour sa fille.
Je ne fais plus de différence, ou plutôt mon corps ne fait plus la différence entre mien et tien. »

« Faire des plans d'avenir : c'est aller à la pêche où il n'y a pas d'eau. Rien ne se passe jamais comme tu l'as voulu ou craint. Laisse donc tout cela derrière toi. »

« Je croyais jusqu'alors que l'amour était reliance, qu'il nous reliait les uns aux autres.
Mais cela va beaucoup plus loin : nous n'avons pas même à être reliés : nous sommes à l'intérieur les uns des autres. C'est cela le mystère. C'est cela le plus grand vertige. »

« Et puis il y a autre chose encore. Avec cette capacité d'aimer, qui s'est agrandie vertigineusement, a grandi la capacité d'accueillir l'amour. Et cet amour que j'ai accueilli, que j'ai recueilli de tous mes proches, de mes amis, de tous les êtres que, depuis une vingtaine d'années, j'accompagne et qui m'accompagnent - parce qu'ils m'ont certainement plus fait grandir que je ne les ai fait grandir. »

« Et subitement toute cette foule amoureuse, toute cette foule d'êtres qui me portent ! »

« Il faut partir en agonie, il faut être abattu comme un arbre pour libérer autour de soi une puissance d'amour pareille. Une vague. Une vague immense. Tous ont osé aimer. »

«Pourquoi seulement choisir le plaisir quand on peut avoir la joie, la gratitude, la mélancolie même ?»

« Je peux lâcher pour de bon sans me sentir démissionnaire. Une force plus grande est à l’œuvre devant laquelle je peux aussi m’incliner. Toute la journée, cela m’a donné de la force. Cécily me racontait le cri de bête blessée qu’a poussé Axel quand elle lui dit quelques mois avant sa mort de leucémie : « Ton destin est entre tes mains ! Tu peux encore tourner le gouvernail ! » Pareille remarque n’est qu’une violence de plus envers celui qui est entré dans l’acceptation. »

«J'ai par ailleurs la sensation d'avoir plus de place en moi. Ma vie adhérait à moi, me moulait hier encore comme dans un fourreau. Aujourd' hui je me sens comme ces femmes mûres, opulentes, qui ne portent que des vêtements très larges dans lesquels tanguent leurs corps généreux. J'ai gagné de l'espace, je gagne en liberté même si, dans le visible, je fonds. »

"Je vous le jure. Quand il n'y a plus rien, il n'y a que l'amour. Tous les barrages craquent. C'est la noyade, l'immersion. L'amour n'est pas un sentiment. C'est la substance même de la création. »

La fin du livre :

« J'ai reçu par ce livre le lumineux devoir de partager ce que je vivais dans ce temps imparti pour que la coque personnelle se brise et fasse place à une existence dilatée. Ce faisant, j'ai sauvé ma vie en l'ouvrant à tous, puisque toute vie, aussi longtemps qu’on la considère comme quelque chose de séparé et de « solide », se laisse égarer comme une paire de gants ou un parapluie dans la confusion des choses du dehors.
Il n'y a que perdre sa vie qui ait toujours le même visage : ne pas oser parier sur « l'homme intérieur », sur l'immensité qui nous habite. Ne pas oser l'Elan fou, l'Eros fondateur, ne pas plonger vers l'intérieur de soi comme du haut d'une falaise. J'ai plongé. J'ose le dire, oui, cul par dessus tête, j'ai plongé ! »

Tu connaîtras la justesse de ton chemin à ce qu'il t'aura rendu heureux. (Aristote)

Du fond du cœur, merci."


C’est un hymne à la sagesse, au courage, à la paix, à l’amour, à la générosité, à la vie, à la joie, à la foi, à l’espoir. Ce livre m’a profondément touché.
Merci
Bonne lecture à vous qui allez le découvrir !