mardi 18 novembre 2008

La prière Brassens/Jammes

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s'amusent au parterre
Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s'ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent :
Je vous salue, Marie

Par les gosses battus par l'ivrogne qui rentre,
Par l'âne qui reçoit des coup de pied au ventre
Et par l'humiliation de l'innocent châtié,
Par la vierge vendue qu'on a déshabillée,
Par le fils dont la mère a été insultée :
Je vous salue, Marie.

Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids,
S'écrie: " Mon Dieu ! " Par le malheureux dont les bras
Ne purent s'appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène;
Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne :
Je vous salue, Marie.

Par les quatre horizons qui crucifient le Monde,
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains,
Par le malade que l'on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins :
Je vous salue, Marie.

Par la mère apprenant que son fils est guéri,
Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid,
Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée,
Par le baiser perdu par l'amour redonné,
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie :
Je vous salue, Marie.

Brassens a repris la même mélodie que sur le poème d'Aragon, "Il n'y a pas d'amour heureux". Il explique qu'au XIXème siècle circulaient des mélodies de base sur lesquels les chanteurs pouvaient faire coller les paroles qu'ils avaient composées. Ces mélodies passe-partout s'appelaient des "timbres". Ils ont été utilisés jusque dans les années 50 en France.Brassens cherchait à ressusciter cette tradition. Mais la critique lui sert un "Qui c'est ce flemmard qui nous sert deux chansons sur le même air?" ayant pour conséquence de dissuader Brassens de recommencer ! La critique, mais la critique constructive s'il vous plais !

Jammes était chrétien. Brassens était loin d'être un fervent catholique, mais il a choisi de chanter une prière. Le dernier couplet est écrit par Brassens. Il prend le contre pieds de Jammes et illumine la prière du bonheur retrouvé.
Deux esprits, deux pensées qui se rejoignent dans un même poème.
Merci

dimanche 16 novembre 2008

La légende du grand inquisiteur de Dostoïevski

Détour par un texte d’anthologie : la légende du grand inquisiteur de Dostoïevski.

Le grand roman des ''Frères Karamazov'' de Dostoïevski se déroule en six jours. Il met en scène différents aspects du mal amenant au crime, à la folie, à l’athéisme. Au livre cinquième, Ivan Karamazov, qui incarne l’athée révolté par le silence de Dieu devant la souffrance de l’innocent et le mal, raconte à son jeune frère Aliocha une légende qu’il a imaginée. Jésus revient sur terre et comme la première fois est condamné à mort. La veille de son exécution, le cardinal Grand Inquisiteur lui rend visite et lui dit : « Je sais qui tu es, je te reconnais. Mais que viens-tu faire ? Depuis ton passage sur terre, l’institution a corrigé ce que ton message avait d’anarchique. Nous avons canalisé les germes de désordre qu’il y avait dans ton message de liberté. Tu nous a apporté la liberté, nous l’avons séquestrée, mais en échange nous avons donné du pain aux hommes ».
Comme Judas, le cardinal est prêt à se damner pour maintenir l’ordre aux dépens de la liberté.

Extrait : ''Le Grand inquisiteur''

'' Pourquoi es-tu venu nous déranger ? Car tu nous déranges, tu le sais bien. [...] As-tu le droit de nous révéler ne fut-ce qu’un seul des secrets du monde dont tu viens ? '' et, sans attendre la réponse, il ajoute aussitôt : '' Non, tu n’en as pas le droit, tu ne dois rien ajouter à ce qui a été dit dans le passé afin de ne pas priver les hommes de cette liberté que tu prisais si haut au temps où tu vécus sur la terre. Tout révélation nouvelle que tu apporterais constituerait une atteinte à la liberté de la foi, car elle paraîtrait miraculeuse. Or, tu jugeais, il y a quinze siècles, qu’il était essentiel d’assurer la liberté de la foi. […] L’Esprit redoutable et profond, l’Esprit de la destruction et du néant, t’a parlé dans le désert, et les Écritures nous rapportent qu’il t’a tenté, n’est-ce pas ? Peut-on imaginer, en fait, de plus grandes vérités que celles qu’il t’a présentées dans ses trois questions ? Tu les as repoussées alors et les Livres saints les ont qualifiées de “tentations”. Pourtant, s’il y eut jamais sur la terre un grand miracle, un miracle authentique, ce fut ce jour-là qu’il se réalisa, et dans ces trois tentations. Le seul fait d’avoir posé ces trois questions constituait un miracle. […] Elles attestent qu’il ne s’agissait pas d’une intelligence humaine ordinaire, mais d’un Esprit éternel et absolu. Car elles contiennent en elles, car elles englobent toute l’histoire ultérieure de l’humanité et offrent trois symboles dans lesquels se résolvent les contradictions insolubles de la nature humaine. [...] Tout avait été prévu dans ces trois questions et elles se sont réalisées si complètement qu’on ne pourrait rien y ajouter ou en retrancher désormais.Juge toi-même par conséquent : Qui avait raison de toi ou de celui qui t’interrogeait ? Souviens-toi de la première de ces questions, pas textuellement mais de son sens général : “Tu veux aller vers les hommes et tu vas vers eux les mains vides, avec, seulement, la promesse d'une liberté qu’ils sont incapables de comprendre dans leur simplicité et leur indignité natives, dont ils ont peur par surcroît, car il n’y a et il n’y a jamais eu d’état plus intolérable aux hommes et à la société que la liberté. Vois-tu ces pierres dans le désert aride et brûlant ? Change-les en pains, et l’humanité accourra vers toi tel un troupeau affamé ; elle te sera reconnaissante et soumise, mais tremblera sans cesse de te voir retirer tes mains et d’être privée de pain.” Mais tu n’as pas voulu priver l’homme de la liberté et tu as rejeté l’offre, en te disant qu’il n’y aurait plus de vraie liberté là où l’obéissance s’achèterait par le pain. Tu as répondu que l’homme ne vit pas de pain seulement. Ne savais-tu donc pas que l’Esprit de la terre se dresserait contre toi au nom de ce pain terrestre précisément, qu’il lutterait contre toi et te vaincrait ? […] Des siècles s’écouleront et un jour viendra où la sagesse et la science humaines proclameront l’inexistence du mal et, par suite, du péché, affirmant qu’il y a seulement des affamés. “Nourris-les et tu les rendras vertueux !” C’est avec ce cri qu’on lèvera l’étendard contre toi et qu’on détruira ton temple. […] Ils finiront par jeter leur liberté à nos pieds en nous* disant : “Asservissez-nous, mais nourrissez-nous.” Ils comprendront eux-mêmes que la liberté n’est pas compatible avec le pain terrestre et ne leur permet pas d’en avoir chacun à suffisance, car jamais ils ne parviendront à le partager équitablement […].Mais qu’est-il arrivé ? Au lieu de te rendre maître de la liberté humaine, tu as voulu l’accroître encore. As-tu donc oublié que l’homme attache plus de prix à la tranquillité de son âme et même à la mort qu’à la faculté du libre choix dans la connaissance du bien et du mal ? Rien de plus séduisant à première vue que la liberté de conscience, mais rien n’est plus torturant en réalité. […] Au lieu de maîtriser la liberté humaine, tu l’as amplifiée et tu as multiplié ainsi à l’infini les tourments qu’elle engendre dans l’âme des hommes. Tu voulais que les hommes te donnent librement leur amour et qu’ils te suivent de leur plein gré, charmés et séduits par ta personne. Tu as aboli la dure, mais solide loi antique, et l’homme devait discerner lui-même désormais, par le jugement spontané de son cœur, le bien et le mal, n’ayant pour se guider dans ses hésitations que ton image devant ses yeux. Ne prévoyais-tu pas que, ployant sous le terrible fardeau de leur libre arbitre, les hommes en viendraient un jour à rejeter ton image et à mettre en doute ton enseignement ? Ils finiront pas proclamer que la Vérité n’était pas en toi, car il était impossible de les livrer à une plus grande confusion et à de plus terribles tourments que tu ne l’as fait en leur laissant tant d’inquiétude et de problèmes insolubles. Tu leur as fourni toi-même des armes pour détruire ton Royaume, et tu ne dois donc accuser personne de sa ruine.Est-ce cela pourtant qu’on t’avait proposé ? Il n’existe que trois forces sur la terre, trois forces seules qui soient capables de vaincre pour les siècles la conscience de ces faibles révoltés et de la subjuguer pour leur propre bonheur. Ce sont le miracle, le mystère et l’autorité. Tu les as repoussées toutes les trois. […] Je te le jure, l’homme est plus faible et plus vil que tu ne le croyais ! Est-il capable, lui l’infime, d’accomplir ce que tu as accompli ? En lui témoignant tant de respect, tu t’es comporté comme si tu avais perdu ta compassion pour lui, car tu lui as trop demandé, toi qui l’as aimé plus que toi-même ! Si tu l’avais moins estimé, tu aurais moins exigé de lui, et cette attitude eût été plus proche de l’amour, car sa tâche aurait été moins lourde. L’homme est faible et lâche. […] Nous avons corrigé ton renoncement héroïque au miracle et nous avons fondé ton action sur le surnaturel, le mystère et l’autorité. Les hommes se sont réjouis d’être de nouveau conduits comme un troupeau et d’être délivrés du don funeste que tu leur avais fait, cause de tant de tourments pour eux. […] Sous notre houlette, par contre, les hommes seront heureux et renonceront à se révolter. Ils ne s’extermineront plus comme ils le font aujourd’hui partout à la faveur de la liberté que tu leur a léguée. Nous saurons les convaincre d’ailleurs qu’ils ne seront libres qu’à partir du moment où ils auront renoncé à faire usage de leur liberté et nous l’auront sacrifiée dans un esprit de soumission sans retour. […] Nous donnerons un bonheur humble et paisible à ces êtres faibles et lâches, le seul qui leur convienne. […] Nous leur permettrons même de pécher puisqu’ils sont si faibles et ils nous aimeront comme des enfants à cause de notre tolérance. […] ''S’étant tu, le Grand inquisiteur attendit une réaction de son prisonnier. Son silence lui pesait. Le captif s’était borné, pendant qu’il parlait, à fixer sur lui un regard doux et pénétrant, visiblement résolu à ne pas entrer en discussion. Le vieillard aurait préféré qu’il lui répondît quelque chose, fût-ce en lui disant des choses amères ou terribles. Sans prononcer un mot, il s’approcha soudain du vieillard et l’embrassa avec douceur sur ses lèvres exsangues de nonagénaire. Ce fut toute sa réponse. L’inquisiteur tressaille sous ce baiser, et quelque chose tremble aux coins de sa bouche. Il se dirige vers la porte, l’ouvre et lui dit : ''Va, maintenant, et ne reviens plus… plus du tout… plus jamais, jamais !''

Noël s’en vient avec son cortège de cadeaux !
Les yeux des enfants brillaient aujourd’hui car Saint Nicolas débarquait à Amsterdam !
Bonbons, sourires et chansons à tous les étages, génial.
Mais que se passerait-il dans notre société s’Il revenait aujourd’hui ? De quoi nourrir une saine réflexion !

dimanche 2 novembre 2008

Experimentadesign Amsterdam

Le titre n'est pas "poignées de porte et vieille godasse", mais plus tôt "poignées de porte et tutti chianti". Accroché à mat, un empilement hétéroclite, défie la pesanteur. Il y a là une maquette d'avion, une bombonne d'eau, un bidon, une cloche, un ballon, des robinets, un canard en plastique, une louche... C'est un panel de couleur, de matières qui flotte comme un drapeau. Cela représente t'il l'emblème de notre société de consommation?
Les designers Argentins de Designo Patagonia nous invitent à donner notre propre "twist" à cette installation, et composer notre propre music.

Enregistrez le résultat et envoyez vos photos et vidéos à www.flickr.com/groups/exda2008
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Ce projet fait parti de la biennal Experimentadesign d'Amsterdam.
Pour la petite histoire, je n'ai pas osé me lancer à l'assaut de la sculpture ! Trop haut pour moi, pourtant l'envie d'ajouter ma patte était grande.
Une pair de Castagnettes, cachée au fond de ma poche, manifestait son envie de participer! Mais les enfants qui l’utilisent régulièrement comme "pince nez" auraient été déçues de sa disparition.
Alors courage, grimpez à l'assaut du mat et manifestez vos dons de designer!

samedi 1 novembre 2008

Open monumentendag 13/14 septembre


Aux Pays Bas les Journées du patrimoine se nomment Open Monumentendag !
Des milliers de bâtiments historiques à travers tout le pays sont ouverts gratuitement au public et sont accompagnés de nombreuses activités.
Pendant deux journées, bon nombre de monuments sont ouverts dans Amsterdam. Avec des visites guidées dans les bâtiments, des montées dans les clochers (avec un peu de chance vous pourrez sonner les cloches!), la découverte d’une salle où Rembrandt à peint des scènes saisissantes de dissection, la maison de Mata Hari....
Et Amsterdam, comme toujours, avec des surprises à tous les coins de rue. Sur Nieumarkt une joyeuse bande nous invite à les suivre jusqu'au tout nouveau conservatoire qui vient d'ouvrir ses portes. Des orchestres montés sur des camions, une foule enthousiaste et nous voilà détourné du but de la ballade, mais quelle fête !


Une bonne adresse pour l'année prochaine http://www.bma.amsterdam/