Ce matin, j'ai appris que des amis Irlandais sont dans la peine.
Leur fille...Emer....34 ans de vie...a choisit de la quitter...au Malawi...ou elle était infirmière volontaire dans une clinique.
Que dire, que faire pour leur apporter un peu de réconfort ?
Alors je reviens vers celle qui peut éclairer cette partie du chemin, difficile à comprendre et accepter, même si l'on a la foi chevillée au corps.
J'ai trouvé une transcription d'une interview, par 4 chemins, d'Elisabeth Kübler-Ross, sur radio canada, le 11 juin 1998.
Les mourants et la mort
Pour commencer une devinette. Voici ce qu'écrit la personne dont je vais vous parler :
" Le docteur B., une femme âgée, prétendait avoir des dons de voyance. Nous étions les premières triplées à l'accouchement desquelles elle ait participé. Elle se mit à scruter méticuleusement nos visages et fit à ma mère des prédictions sur chacune d'entre nous. Elle dit qu'Éva, née la dernière resterait toujours " la plus chère au cœur de sa mère " tandis qu'Erika, la deuxième choisirait toujours " la voie du milieu. " Puis, le docteur B., me désignant d'un geste, expliqua que j'avais montré la voie aux deux autres et ajouta " vous n'aurez jamais à vous inquiéter de celle-là. "
Qui était-elle? [Rires…]
Pour vous aider à vous situer dans le temps, je peux vous dire que j’ai parlé de cette personne à la radio à plusieurs reprises autour de 1971 ou 1972. Puis en 1975, paraissait un ouvrage très important, dont j'ai eu l'occasion de reparler par la suite. En parlant de son travail, j’ai abordé un sujet qui m’intéressait beaucoup : les soins palliatifs. Non pas que je m'occupe de l'accompagnement des mourants en phase terminale, mais j'ai été l'un des premiers membres du conseil d'administration de Palli-Ami, organisme associé à ce genre de question au sujet de la mort, des mourants etc.
Il s'agit d'Elisabeth Kübler-Ross, qui a d'abord écrit On Death and Dying, Les derniers instants de la vie, paru en anglais en 1975, puis en français un peu plus tard; cet ouvrage a été réédité récemment chez Fidès.
Cette femme est certainement à mon sens et avec le recul - je me dis parfois que l'âge procure certains avantages – l’une des personnes les plus importantes du siècle.
C’est à travers un monde matérialiste à outrance qu’elle s'est occupée d'une question dont tout le monde semblait vouloir se défaire : la mort et les mourants, l’aboutissement naturel de la vie de chacun d'entre nous. Elle a accompagné dans la mort des milliers de gens, puisqu'elle ne fait que cela depuis le début des années 1970, jusqu'à tout récemment où elle a pris une forme de retraite.
Elle a publié dernièrement The Wheel of Life: A Memoir of Living and Dying, traduit en français sous le nom de Mémoires de vie Mémoires d'éternité.
Je me suis plongé là-dedans et j'ai redécouvert cette grande dame de notre époque, et j’ai eu envie de partager cette redécouverte avec vous.
" Des années durant, j'ai été poursuivie par une réputation exécrable, par des gens qui me considéraient comme la Dame des " Derniers instants de la vie " (son premier ouvrage). Ils pensaient qu’avoir passé plus de trois décennies à poursuivre des recherches sur la mort et la vie après la mort me rendait automatiquement experte en la matière. Je crois qu'ils sont à côté de la question. Le seul fait indéniable concernant mon travail, a trait à l'importance de la vie. J'ai toujours dit que la mort peut constituer l'une des plus grandes expériences que l'on puisse connaître. Si vous vivez chaque jour de votre existence dans la droiture, alors vous n'avez rien à craindre d'elle. Peut-être ce livre, qui est certainement mon dernier, éclaircira-t-il ce point. Il suscitera sans doute également quelques questions nouvelles et pourra peut-être même en fournir les réponses. "
Dans sa maison de Scottsdale en Arizona, où elle s'est retirée depuis quelques années, elle parle de la petite fille qu'elle a été, son enfance en Suisse, destinée à devenir une femme au foyer, gentille et bigote, comme tant d’autres Suissesses etc.
" Certaines de mes opinions sont non conformistes. Ainsi par exemple, ces dernières années, j’ai souffert d’une demi-douzaine d’attaques cérébrales, parmi lesquelles une petite crise juste après Noël 1996. Mes médecins m’ont mise en garde, me suppliant d’arrêter le café, les cigarettes et le chocolat. Mais je continue toujours à m’adonner à ces petits plaisirs. Pourquoi pas? C’est ma vie après tout! "
Elisabeth Kübler-Ross, est une de ces bonnes femmes impossibles, une de ces entêtées, une obstinée...
" C’est ainsi que j’ai toujours été. Je suis très indépendante, têtue comme une mule, et un peu déséquilibrée, alors c’est comme ça que je suis et c’est tout. " En parlant du puzzle de sa vie elle dit : " Tout ce qui m’est arrivé devait m’arriver. Mon destin était de m’occuper des mourants. Je n’ai pas eu le choix lorsque j’ai rencontré mon premier atteint du Sida. " Elle est médecin au départ : " J’ai eu le sentiment qu’on me demandait de parcourir 400 000 km chaque année pour animer des séminaires afin d’aider les gens à gérer les aspects les plus douloureux de la vie, de la mort et de la période intermédiaire. Plus tard dans ma vie, une force irrésistible m’a incitée à acheter une ferme de 120 hectares dans la campagne virginienne ".
Et c’est là qu’elle a créé un centre d’accueil d’une part, qui est en même temps un centre de formation pour des personnes qui s’occupent de l’accompagnement des mourants.
J’ai retenu ces trois phrases dans l’introduction de son ouvrage :
" Tout le monde traverse des difficultés dans la vie; plus vous en aurez, et plus vous apprendrez et évoluerez "
Voilà qui est encourageant si ce n’est pas totalement désespérant, cela dépend du point de vue que l’on adopte bien sûr!
" L’adversité ne peut que vous rendre plus fort "
" Dès lors que vous aurez appris vos leçons, la douleur disparaît."
Puisqu’il s’agit de sa biographie, elle nous reparle de sa découverte de la mort, de l’expérience de la mort des autres, puis de tout ce qu’elle a vécu autour et alentour de ce phénomène, qui est considérable. C’est probablement la personne qui est allée le plus loin dans ce genre de recherches, avec Stanislav Grof.
" Les données rassemblées par l’observation auprès de mourants, m’ont convaincue qu’il ne s’agissait pas de pures coïncidences ou d'hallucinations, ce que les mourants vivaient ou avaient vécu. Un moment, ces découvertes remarquables m’ont conduites à une conclusion scientifique encore plus remarquable. La mort n’existait pas, en tout cas pas dans sa définition traditionnelle. J’avais le sentiment que toute définition nouvelle devrait aller au-delà de la mort du corps physique. Elle devrait prendre en compte la preuve que nous détenions, selon laquelle l’homme a également une âme et un esprit, une raison supérieure de vivre, un sens de la poésie, quelque chose de plus que la simple survie, quelque chose d’immortel. Les patients mourants qui étaient passés par les cinq stades déclaraient ensuite : une fois que nous avons accompli tout le travail pour lequel on nous avait envoyés sur terre, nous sommes autorisés à abandonner notre corps lequel emprisonne notre âme comme le cocon enferme le futur papillon "
Ce qui ressemble beaucoup à la formule qu’emploie Platon quand il dit que " L’âme est prisonnière du corps comme d’un tombeau ". Pour nous, c’est une formule qui paraît un peu froide comme ça, mais en grec, il y a un jeu de mots entre " soma ", le corps, et " sema " qui est le tombeau!
Les cinq phases en question, on ne les vit pas nécessairement dans le même ordre où elle les définit. Dans le film All that Jazz, on raconte la mort d’un chorégraphe et son passage à travers justement ces cinq étapes définies par Mme Kübler-Ross. C’est intéressant de constater que le scénario a été bâti à partir de ses observations.
Processus de la mort
" Selon les interviews que j’ai rassemblées, le processus de la mort se décomposent en plusieurs phases distinctes "
Elle en a identifié quatre :
" Première phase : Les gens flottent au-dessus de leur corps. Peu importe si les gens mouraient dans une salle d’opération ou dans un accident de voiture, ou encore s’ils s’étaient suicidés, tous ont rapporté avoir eu pleinement conscience de ce qui se passait autour d’eux au moment de leur mort. Ils quittaient leurs corps, tel des papillons qui sortent de leurs chrysalides. [...] Les sujets faisaient en outre l’expérience de la plénitude. Par exemple, si de son vivant quelqu’un était aveugle, il retrouvait la vue dans l’autre monde.
À ce stade, les sujets avaient abandonné leurs corps derrière eux et rapportèrent qu’ils étaient dans un état de vie " post mortem " que l’on peut seulement définir comme spirituel et énergétique. Ils étaient rassurés de constater qu’aucun être humain ne meure dans la solitude. Quelles que soient les circonstances ou le lieu de leur mort, ils pouvaient se rendre où ils voulaient à la vitesse de leur pensée. Certains affirmèrent qu’il leur suffisait de penser à la détresse des membres de leu famille pour se retrouver instantanément auprès d’eux. [...]
D’ailleurs les témoignages abondent là-dessus. Evidemment, avec la technologie qui permet de procéder à des réanimations de personnes qui étaient rendues très proches ou très loin de la mort, on a plus de ce genre de témoignages. Certains qui sont allés très près de " l’autre côté " sont revenus et ont affirmé avoir vécu ce genre d’expérience-là.
La troisième phase. On pénètre, disent les sujets, dans ce que l’on décrit habituellement comme un tunnel, ou un seuil transitionnel - bien que ces personnes, pour évoquer cet endroit, aient utilisé diverses images - un pont, un défilé entre deux montagnes, un joli ruisseau - et au bout de celui-ci, ils voyaient toujours une lumière brillante. Lorsque leurs guides les ont rapprochés de cette lumière, ils ont senti qu’elle irradiait une chaleur, une énergie, une force spirituelle et un amour intenses. La lumière, disaient-ils, est la source suprême de l’énergie de l’univers.
Les sujets rapportent s’être trouvés en présence de la Source Suprême, de quelque chose qui est indéfinissable mais que certains ont appelé la Source, certains l’appelaient Dieu. D’autres indiquèrent simplement s’être sentis entourés de tous les instruments de connaissance, passés, présents, futurs etc. "
" La conclusion fondamentale que j’ai tirée de tout cela c’est que les êtres humains, qu’ils soient riches ou pauvres, Américains ou Russes, ont des besoins et des soucis similaires. En fait, je n’ai jamais rencontré une personne dont le plus grand besoin n’ait été l’amour inconditionnel. "
Si je devais tirer l’essentiel de son propos, ce serait :
" Ce que la mort enseigne, c’est la vie, comment vivre la vie. "
Son dernier chapitre s’intitule justement Sur la vie et la façon de vivre et elle écrit :
" C’est bien dans mon style d’avoir d’ores et déjà prévu ce qui va se passer. Ma famille et mes amis viendront du monde entier, traverseront le désert jusqu’à ce qu’ils tombent sur un petit écriteau planté sur une piste poussiéreuse et sur lequel on peut lire Elisabeth, puis atteindront le Tipi indien et le drapeau suisse qui flotte très haut au-dessus de ma maison de Scottsdale. Certains me pleureront. D’autres auront compris à quel point je serai enfin soulagée et heureuse. Ils mangeront, échangeront des anecdotes, riront, pleureront et à un moment donné, lâcheront des douzaines de ballons gonflés à l’hélium. Qui donneront au ciel une apparence surnaturelle. Bien entendu ... je serai morte ".
C’est une directive qu’elle est en train de donner à ses successeurs, j’ai l’impression. Au fait, pourquoi pas, organiser une cérémonie d’adieu pour fêter l’événement…
" À 70 ans, moment ou j’écris ces lignes, je peux dire que j’ai vécu pleinement. À ma naissance je ne pesais que deux livres et des poussières et on ne s’attendait pas à ce que je survive. Par la suite, j’ai passé la plus grande partie de ma vie à combattre le Goliath que sont les forces de l’ignorance et de la peur. Tout ceux qui sont des familiers de mon œuvre savent que pour moi la mort peut constituer une des plus grandes expériences de la vie. Tout ceux qui me connaissent personnellement peuvent témoigner de mon impatience de quitter ce monde de souffrances et de luttes pour rejoindre le royaume de l’amour infini. "
Elle parle de sa " dernière leçon, celle de la patience " qui est très difficile à vivre, car il faut se la représenter comme une femme d’action qui a parcouru le monde, qui a soigné, vécu, d’un rendez-vous à l’autre, etc. Une femme très peu conformiste.
Sa dernière leçon, celle de la patience, me fait aussi penser à Alexandra David-Néel qui a traversé l’Himalaya à pied; une autre aventurière étonnante. À la fin de sa vie, elle était condamnée à mettre une heure et quart à descendre l’escalier du premier étage au rez-de-chaussée…
" Ma dernière leçon, celle de la patience n’a pas été de tout repos. Ces deux dernières années, à cause d’une série d’attaques cérébrales, je me suis retrouvée complètement dépendante des autres pour les moindres gestes de la vie quotidienne et pour les soins qui doivent m’être prodigués. Je dois me battre tous les jours pour descendre de mon lit, m’asseoir sur mon fauteuil roulant, aller à la salle de bains et en revenir. Depuis deux ans, je ne souhaite qu’une chose : quitter mon corps à l’image du papillon qui sort de sa chrysalide pour me fondre enfin dans la grande lumière.[...] Le seul intérêt de cette lente approche de la transition finale a été le temps que j’ai pu ainsi consacrer à la contemplation.[...] libérés comme le papillon, nous serons libérés de toute souffrance, de toute peur et de tout souci... nous serons libres comme un magnifique papillon qui retourne chez lui au royaume de Dieu... Un endroit où nous ne sommes jamais seuls, où nous continuons de grandir, de danser, de chanter, où nous retrouvons ceux que nous avons aimés et où nous sommes enveloppés d’un amour infini et inimaginable. "
Vous n’êtes pas obligés de partager sa vision des choses mais c’est intéressant de prendre note de son point de vue.
" Le plus grand cadeau que Dieu nous ait fait est le libre arbitre. "
" Si l’on avait protégé des ouragans les terrains où se sont creusés les canyons, vous ne pourriez pas contempler ces paysages fantastiques que l’érosion a sculptés au fil des siècles. "
" La seule raison d’être de la vie est l’évolution. La leçon suprême de la vie est d’apprendre à aimer et à être aimé de manière inconditionnelle. "
Lien avec le site de la transcription : http://www.radio-canada.ca/url.asp?http://www.radio-canada.ca/Par4/accueil.html
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire